Le couloir des portraits

Il est 2h du mat'. Tout pile. Pourquoi me suis-je réveillée ? Je l'ignore. Depuis maintenant 1h, j'essaie de me rendormir. Peine perdue.
J'erre maintenant depuis un bon moment dans le château. Me voilà dans un long couloir sombre. Un portrait. D'une femme. Encore un autre, d'un vieil homme. Encore un, un autre et encore un autre !
Je suis certainement dans le couloir aux portraits du château. Bon ...
Vu que je n'arrive pas à me rendormir, je vais rester là. Regarder les portraits de gens morts est une distraction que je n'avais plus expérimentée depuis longtemps.
Je m'arrêtai longuement devant cette fille. Edithe.
Cette fille me fait penser à ... heum ... ben je sais pas ...
Ce qu'il s'est passé hier dans le cimetière me trotte encore dans la tête. J'ai peut-être finalement rêvé.
Un baillement m'échappe...

* Allez Lineth, laisse cette fille tranquille et va te coucher ! *

Je retourne donc dans mon lit. Cette fois, c'est la bonne ...

2h30. La lune peine à percer dans cette couche épaisse de nuages gris et froids.
Mes pieds sont nus, marchant sur le dallage froid.
La raison de ma venue ici ? Je n'en sais trop rien ...

* Flashback. *

Je me réveille en sursaut. Mes cheveux sont collés à mon front, la sueur dégouline de mon visage. Le même cauchemar vient une fois de plus de me réveiller.
Un visage de jeune fille, peut-être la vingtaine, hante mes nuits. Elle ne dit rien, jamais, mais ses yeux sortent de leur orbite, ses lèvres sont enflées, elle a un cocart à l'oeil droit. Elle me regardait, comme d'habitude, avec un air de profonde détresse et d'une souffrance insuportable. Ses clignements d'yeux lui arrachent des grimaces, si bien qu'elle a pris l'habitude de ne plus les ouvrir.
Mais cette fois-ci, elle a parlé. Une voix d'agonie m'a soufflé un mot ...
" Portraits. "

* Fin du flashback. *

Me voici là, dans ce couloir sombre, frigorifiée, mais le froid n'est pas là pour me tuer, sinon il l'aurait déja fait.
J'avance, une petite voix dans ma tête m'indiquant le fond de la pièce. Je passe devant les portraits sans leur accorder un regard.
Finalement, j'y suis. Le couloir s'arrête par une porte sombre, j'enclenche la poignée, elle est évidemment fermée à clef.
Je me tourne alors vers la droite, et là, mon souffle s'arrête.
Un tableau aux bords noirs était accroché là, alors que hier il n'y était pas. Il représente une jeune fille, les traits grossiers, de beaux cheveux roux, des yeux verts, habillée d'une robe émeraude qui met en valeur sa poitrine. Son teint est blafard, et elle semble être terrifiée par une personne que l'on ne peut pas voir. La lumière vient de la droite du tableau, dessinant une ombre à son petit nez retroussé. La jeune fille porte une petite chaînette, au boût de laquelle pend un petit pendentif en forme de tête de mort ...

* La chaînette que j'ai trouvée dans la forêt ! C'est ... la même ! Mais c'est ... impossible ! *

Et pourtant, elle était bien là. Ce qui est intriguant, c'est que le tableau semble avoir été peint vers le 17e siècle, alors que la chaînette que j'ai trouvée dans la forêt semble être récente ...
Je sortis la chaînette de ma poche ( puisque je l'avais gardée .. ), et fais la comparaison. Les deux pendentifs se ressemblent étrangement, mieux ( ou pire ... ), ils sont totalement pareils.

* On a peut-être simplement utilisé ce pendentif pour faire celui-ci ... *

J'essaie de trouver une explication, lorsque je m'aperçois que le tableau change ...
Les 2 yeux de la jeune fille sortent lentement de leurs orbites, ses traits se creusent, et la même expression que la jeune fille de mon rêve ( ou cauchemar ? ) se peint sur sa figure. Un cocart apparaît, finissant sa transformation.
Elle ouvre la bouche, me regarde, pousse un hurlement, regarde furtivement à ma droite ...
Ma vision se trouble, le coup était terrible. Je chancèle un instant, je chute lourdement sur le dallage, et je m'abandonne au noir de la nuit ...

Je sursaute violemment ... L'horloge de la pièce vient de sonner ... 2 heures !
* Mais ... Raaah, j'avais pas vu l'heure passer ! *

J'étais occupée à corriger des copies et à préparer mes prochains cours, et je n'avais pas vu le temps passer ...
Je finis de corriger l'interrogation que j'ai en main ( * Pas brillant, tout ça ! * ), et je range rapidement mes affaires. Le bibliothécaire m'a permis de rester toute la nuit ( " Si ça vous arrange, mais fermez bien la porte, 3 tours ! " ), et j'étais restée ici plus de 5 heures ... Le texte de Victor Hugo résonne encore en moi ... Quel génie, cet homme ...
Je reprends mes esprits, et range les Misérables à leur place, je prends mon sac et je sors de la bibliothèque.

Je prends le chemin de ma chambre, lorque je vois une silhouette se diriger vers le couloir aux portraits. J'ouvre la bouche, puis me ravise, estimant que la personne qui est là ne veut peut-être pas qu'on le sache. Mais ma curiosité l'emportant, je m'approche tout de même ...
Lineth est là, dans une chemise de nuit sombre, avançant tel un automate. Elle parcourt toute la longueur du couloir en prennant son temps, et s'arrête devant la porte du fond, mais elle doit sûrrement être fermée, car celle-ci ne s'ouvre pas.
Elle se tourne alors vers la droite, et regarde ...

* Le mur ? Mais ... y a rien, y a pas de tableau ... *

Elle regarde pourtant fixement le mur, comme elle aurait regardé le tableau à coté. Elle plonge soudain la main dans sa poche, en ressort quelque chose que je n'arrive pas à discerner ... Elle semble comparer l'objet à ce qu'elle voyait sur le mur.
Soudain, elle prend une mine effrayante, comme si elle avait vu un fantôme ... Elle ouvre la bouche, certainement pour crier, mais rien ne s'échappe de ses lèvres.
Elle tombe alors comme si quelqu'un l'avait violemment frappée à la tête, et s'écroule sur le sol de pierre sombre.

* Mais ... *

" Hey, Lineth ! "

Je cours vers elle, consciente qu'il y avait un problème ...
Je lui touche la main, laquelle est glacée. Son visage est blême, mais le plus effrayant, c'est un filet de sang qui s'écoule de sa tête.

* Hein ?! Mais ... comment elle a fait ça ?! Elle est pas tombée de ce côté-ci de la tête ... *

J'essaie de la soulever, mais elle est trop lourde pour moi ...

* Tu peux pas la laisser là ... Vite, à l'infirmerie ! *


Quelques minutes plus tard, en compagnie de l'infirmière ( que j'ai dû tirer du lit en lui donnant des claques ), nous courrons toutes les deux vers le couloir aux portraits.

" Mais, Mlle Durand, que s'est-il passé ? "

" Je vous l'ai déa expliqué ! J'ai vu Lineth tomber comme une pierre, quand je regagnai ma chambre ... Elle était trop lourde pour que je l'ammène jusqu'à l'infirmerie ! "

" Mon Dieu, mon Dieu .... "

Nous approchons du couloir aux portraits, quand je m'arrête d'un coup. Lineth est là, et nous avons failli lui rentrer dedans !

" Lineth ! Mais ... Vous n'étiez pas ... "

" Oui, madame ? " ( un sourire insolent se peint sur son visage )

" Mais je ... Je ne comprends pas ! "

" Quoi donc ? Je n'arrivais pas à dormir, alors je suis allée me promener un peu ... Pourquoi, il y a un problème ? "

" Je ... rentrez vous coucher, et plus vite que ça ! "

Lineth part, et l'infirmière se tourne vers moi.

" C'est pour cela que vous m'avez réveillée ? "

" Je ... Elle était pourtant bien ... "

Elle soupire, me regarde un instant, et re part, probablement vers sa chambre ...

" Bonne nuit, madame ! "

Honteuse, je vais au fond du couloir ... Il n'y a aucune trace de sang ...

* Tu deviens folle ... Allez, au lit ! *

Je rentre rapidement dans ma chambre, m'endormant rapidement après des évennements troublants ...
Victor Hugo vient me souffler quelques vers, et je m'endors.